Durée
16′
Date de composition
1987
Édition
Salabert, EAS 18614
Effectif
Pour 89 musiciens :
4.4.4.4-4.4.4.0, perc, crd (16.14.12.10.8)
Création
Le 3.05.1988, Donaueschingen, Sinfonieorchester des Südwestfunks Baden-Baden, Michael Gielen (dir)
Notice
La partition dégage la nouvelle qualité de simplicité des œuvres récentes de lannis Xenakis. qui recouvre le désir de plier les systèmes que le compositeur s’est imposé à lui-même au cours des années passées à une approche plus souple et plus intuitive. Aujourd’hui comme auparavant lannis Xenakis s’interroge sur les grandes questions philosophiques de l’être et de l’existence. Derrière sa recherche d’un langage musical original, derrière les qualités de fraîcheur et d’audace qui le caractérisent se cache une quête d’ordre interne, celle de la liberté. qui l’emporte sur tout le reste. Seule cette préoccupation rend compte de ses longues tribulations dans les terres inexplorées du hasard et de la nécessité, des modèles stochastiques et déterministes Ata, composée et exécutée pour la première fois en 1987, est écrite pour un imposant effectif orchestral (89 musiciens), et provient de la riche source qui a donné naissance à Kekrops en 1986 et Horos en 1987. lannis Xenakis répondit par une remarque lumineuse à une question que je lui posai au sujet du titre de l’œuvre: “Ata” est l’orthographe en dialecte dorien de “Atées”, une espèce de folie envoyée par les dieux vers les humains qui se rendent prisonniers d’eux-mêmes, et deviennent les jouets de rêves de puissance et de grandeur. Nous commettons tous des erreurs, des incohérences dans l’amour, dans nos comportements, dans nos écrits. Ata traite du danger du repli sur soi”.
Ata est un combat, dont le terrain de bataille est une psyché refermée sur elle – même. La séquence d’introduction pose d’emblée les forces et les tactiques en présence.
Tout d’abord un groupe de clusters denses en tierce mineure dans les cordes, chacun dessinant une mélodie sinueuse, définit une harmonie qui rappelle le parfum des antiques tétracordes. Ces clusters deviennent de plus en plus denses pour atteindre un trille longuement soutenu dans les tonalités aigues.
Ensuite, les bois s’avancent progressivement à travers le terrain harmonique couvert par les cordes ; cette fois-ci de manière entièrement chromatique. Comme pour nettoyer entièrement l’atmosphère tout en laissant deviner la pulsation centrale de l’œuvre.
En troisième lieu apparaît lentement un réseau d’accords aux bois, tandis que quatre ou cinq groupes de denses accords tétracordaux aux cuivres paradent au premier plan. Ceux-ci augmentent peu à peu en fréquence et suscitent une réponse semblable de la part des bois, puis des cordes, l’ensemble menant rapidement à un tutti homophone.
Les impulsions rythmiques qui marquent le pouls de Ata sont de deux ordres. Le premier est un battement lent et majestueux, réminiscent d’un poème ancien, interprété de façon synchrone par l’ensemble de l’orchestre; tandis qu’au sein de cette pulsation centrale se développent des subdivisions rythmiques et timbrales démultipliées des bois, cuivres, cordes et percussions. L’allure inflexible qui marque cette progression maintient l’univers d’Ata dans un état de tension ininterrompu.
Tour à tour développés ou comprimés, ces éléments déterminent un processus d’accumulation d’énergie accompagné d’une réduction de l’éventail harmonique. L’œuvre s’achève dans un état de résolution quasi-harmonique.
Nouritza Matossian