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Music

Aroura

Durée

12′

Date de composition

1971

Édition

Salabert, EAS 17211

Effectif

Pour 12 instruments à cordes (4.3.2.2.1 ou multiple)

Création

Le 24.08.1971, Festival de Luzern, les 12 cordes des Festival Strings, Rudolf Baumgartner (dir)

Notice

La structure de l’œuvre est claire, faite de plaques sonores inter-pénétrantes.Toutefois, le jeu, l’émission du son par l’instrumentiste et les timbres nouveau qui doivent être créés prennent une importance primordiale.

Aroura, la terre d’Homère, précède Antikhthon. Et représente les textures sonores de la terre (le mot est dérivé de la mène racine qui donne “aire” ou “arène” dans les langues romanes. La première impression de la terre que reçoit l’œil est celle de textures, par exemple champs, bois, terre meuble; de même la première impression du son que reçoit l’oreille est celle de textures. Celles-ci sont perçues comme des éléments primaires, que l’œil ou l’oreille “connaît” et reconnaît en tant que formes. Une texture est une assez large collection de phénomènes sonores, considérés comme des éléments gouvernés par des lois de structure immuables. Des sections internes sont répétées assez souvent pour créer un sentiment de texture. Une section étendue de col legno pour les cordes (la frappe des cordes avec le dos de l’archet) constitue une texture supplémentaire. Un groupe de glissandi, étendu stochastiquement sur toute la gamme de hauteurs de sons, et se déplaçant dans tous les sens, créera, si la durée en est suffisante, une texture de plus. Est également texture un groupe de chocs qui se produisent comme un effet secondaire des lois qui gouvernent la désintégration de matériel radioactif. Un amas de phénomènes rassemblés selon les lois de regroupements finis ou infinis, est aussi une texture.

Là où la texture est créée selon des lois choisies arbitrairement, celles-ci peuvent s’emprunter au répertoire des lois musicales ou mathématiques, ou peuvent même être inventées d’un bout à l’autre, si praticables. Mais la façon dont on applique de telles lois et le choix des sons de base qui seront assujettis à ces lois, devraient être tels que le résultat se fait ressentir d’abord comme une texture, et ayant surtout de l’intérêt.

Nous nous retrouvons donc en face de substances —textures— plus complexes et plus compliquées que les phénomènes dont elles sont composées, cette complexité étant le fruit de la richesse de sons composant ces textures, mais aussi le résultat de la richesse de lois qui gouvernent ces sons. En raison de leur complexité, les textures se situent à un niveau plus élevé que les éléments dont elles se composent. Le compositeur musical doit donc organiser ces textures à l’intérieur d’une structure complète plus large et les prendre comme des éléments primaires en propre.

A partir de là, on peut envisager des textures de plus en plus compréhensives, qui se créent à partir des textures formées au niveau précédent, et combinées afin de constituer le niveau supérieur. Des couches entrecroisées successives forment donc une construction architecturale de maintes strates successives ou simultanées, qui sont assujetties au temps, ou qui en sont indépendantes,

C’est l’idée de base, et d’Aroura et de sa structure, qui s’écoute assez clairement lors de l’exécution de l’œuvre.

Iannis Xenakis